L’histoire
Histoire de Saint-Henri
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1670 : première tannerie de Montréal
Il faut dater la naissance de notre quartier à l’année 1670. Au cours de son passage en Nouvelle-France, l’intendant Jean Talon trouvait la jeune colonie beaucoup trop dépendante de la France pour s’approvisionner de plusieurs denrées nécessaires à la survie de la population. Il entreprit donc d’équiper la colonie de diverses industries essentielles, dont entre autres la fabrication du cuir.
La trace la plus ancienne d’une tannerie établie à Saint-Henri remonte à 1685. Un document officiel indique la vente d’une tannerie au coteau Saint-Pierre au marchand Jean Dedieu et au tanneur Jean Mouchère. Comme un édit royal interdisait l’établissement des tanneries à l’intérieur des murs fortifiés, en raison principalement des fortes odeurs qui s’en dégagent, ils durent s’installer à l’extérieur de Ville-Marie. Ils choisirent le coteau Saint-Pierre, sur la route des fourrures vers Lachine, à un endroit où coulait un important ruisseau, fournissant l’eau essentielle à la tannerie du cuir. On situe l’endroit aujourd’hui sur la rue Saint-Jacques entre les rues De Courcelles et Saint-Rémi. La tannerie servait aussi de relais pour les coureurs des bois le long du parcours. Il fallait alors compter une journée pour se rendre à pied jusqu’à Lachine.
Cette tannerie est estimée être la deuxième à être établie en Nouvelle-France après celle de la Pointe Lévy (Lévis) en 1668. Ce fut également la première sur l’île de Montréal. On a longtemps daté la création de cette tannerie en 1685, mais on considère aujourd’hui que ce fut une erreur. En effet, Jean Talon a été intendant de la Nouvelle-France entre 1665 et 1672. Il est donc impossible de croire que l’autorisation de fonder une tannerie a pu être donnée après son départ. Et le document officiel écrit bien qu’il s’agit de la vente et non de la création d’une tannerie.
Illustration d’une tannerie tirée de l’encyclopédie de Diderot.
1706: Gabriel Lenoir dit Rolland
La tannerie fut par la suite vendue en 1700 au duo Charles de Launay et Gérard Barsalou. En 1706, Gabriel Lenoir, dit Rolland, entre au service de cette tannerie. Il devient le premier apprenti-tanneur né en ce pays. Il était le fils de François Lenoir, un soldat du régiment de Carignan et de Marie-Madeleine Charbonnier dite Seigneur, une fille du Roy. Ce soldat, resté au Canada et converti en trafiquant de fourrures avait construit le Fort Rolland à Lachine où plusieurs se sont réfugiés pour échapper au massacre de Lachine en 1689.
Gabriel Lenoir devint maître tanneur en 1713 et épousera un an plus tard Marie De Launay, la fille de son ancien patron devenu son associé.
Plusieurs descendants Lenoir dit Rolland perpétueront les métiers reliés au cuir : tanneurs, selliers et cordonniers. Avec d’autres familles, ils établissent plusieurs tanneries et ateliers artisanaux qui suscitent en 1780 la formation d’un village le long de l’actuelle rue Saint-Jacques, entre le chemin de la Côte Saint-Paul et la Place Saint-Henri, qui prend le nom de village des Tanneries-des-Rolland. Entre 1735 et 1835, la descendance de Gabriel Lenoir dit Rolland et de Marie Magdelaine Delaunay peupleront ce qui a lieu de se nommer les tanneries des Rolland. Plus de 30 enfants, petits-enfants et arrière-petits enfants ont occupé les métiers reliés au cuir à cet endroit : teneurs, cordonniers et selliers.
1810 : une chapelle est nommée Saint-Henri
En 1810, on construit une desserte de la paroisse Notre-Dame au Village des Tanneries des Rolland (angle Saint-Jacques et De Courcelles). On lui a associé le toponyme de Saint-Henri-des-Tanneries, pour rappeler la mémoire de l’abbé Jean-Henry-Auguste Roux (1760-1831). Ce sulpicien né à Marseille est venu d’Angleterre s’installer à Montréal en 1794 après avoir fui la révolution française. De 1798 à 1831, au titre de vicaire général de l’évêque, il fut le supérieur général des Sulpiciens, propriétaires et seigneurs des terres de l’île de Montréal. À ce titre il était l’équivalent du curé de la paroisse Notre-Dame dont le territoire couvrait toute l’île de Montréal.
En 1825, Saint-Henri est un important village de production artisanale où les deux tiers des emplois sont occupés par le cuir.
Le recensement de 1825 montre les chiffres suivants:
- 466 personnes habitent le faubourg
- 12 tanneurs
- 13 cordonniers-tanneurs
- un cordonnier sellier
- 17 selliers avec leurs 24 apprentis
- 63% des personnes travaillent le cuir
Première chapelle-école nommée Saint-Henri des tanneries en 1810.
1825-1859 : canal et voie ferrée
Durant cette même année de 1825, le premier creusage du canal de Lachine suscite l’embauche de centaines d’ouvriers dont plusieurs s’établiront à proximité.
Entre 1845 et 1848, le canal de Lachine est élargi. Rapidement, moulins et fabriques s’installent à côté des écluses. Le canal offre à la fois un moyen de transport accessible et l’énergie hydraulique pour actionner les machines.
En 1847, on construit également le premier chemin de fer de l’île de Montréal qui traverse Saint-Henri d’est en ouest, parallèlement au canal. Le Lachine & Montreal Railroad franchit la distance Montréal-Lachine en trente minutes! Le train, plusieurs fois par jour, quitte la Gare Bonaventure, fait un arrêt à la rue Vinet, puis à la gare Saint-Henri pour prendre passagers et marchandises et continue son parcours à travers l’ancien lac aux Loutres, aujourd’hui asséché sous la cour de triage Turcot.
Le Village Saint-Augustin, plus à l’ouest et à l’est des voies ferrées, accueille des habitants qui travaillent dans les entreprises de localités voisines car la tannerie industrielle Moseley et Ricker ne suffit pas à employer toute la population active.
Immédiatement à l’ouest, le long du chemin menant de Montréal à Lachine, on retrouve le vieux village de Saint-Henri-des-Tanneries. Autrefois centre du travail du cuir et halte appréciée, il s’agrandit dès 1850 alors que des rues transversales à la grand-route apparaissent sur les terres de Philippe Turcot.
En 1859 dans la construction du Pont Victoria permettra de construire le chemin de fer du Grand Tronc. Cette voie ferrée sera reliée au premier chemin de fer de Montréal et coupera Saint-Henri en deux.
Les familles ouvrières s’installent entre la voie ferrée et le canal alors que les familles plus fortunées choisissent plus au nord les rues Saint-Antoine, Quesnel et Square Richmond, dans la Petite Bourgogne plus à l’est. De 1850 à 1890, industries et immeubles d’habitation prolifèrent.
En 1825 on commence à creuser le Canal de Lachine afin de contourner les rapides.
Le premier train de Montréal passait par Saint-Henri en 1847.
1869-1875 : Saint-Henri devient une paroisse et une ville
Deux facteurs ont amené la création de la ville de Saint-Henri en 1875.
Depuis 1867, le Canada a été créé. Les gouvernements provinciaux favorisent la création de villes autonomes pour répondre aux besoins de l’organisation des services essentiels : travaux locaux (rues et trottoirs), aqueduc et égout, police et pompier.
Et en 1869, la paroisse de Saint-Henri était détachée de Notre-Dame. Une église aux dimensions imposantes avait été construite pour répondre aux besoins d’une population grandissante. En 1871, Saint-Henri compte 2467 personnes.
C’est le boum industriel.
Église Saint-Henri des Tanneries, construction en 1867, démolie en 1970.
De 1876 à 1905 plus d’une trentaine d’entreprises s’établissent dans le territoire de la ville. Saint-Henri offre à son avantage le canal de Lachine et le chemin de fer.
Par exemple la manufacture de machines à coudre Williams s’installe près du chemin de fer, alors que la Merchants Cotton s’installe en bordure du canal de Lachine. Il y a du travail pour tous les membres de la famille.
Plusieurs dizaines d’usines s’installent dans la ville de Saint-Henri, comme la RCA Victor (fondée par Emile Berliner en 1899, où il inventa le gramophone).
La C.H. Johnson & Sons, active pendant plus de cent ans dans Saint-Henri. La SHSH a célébré ce centenaire en présentant une exposition sur les Cent ans de la Johnson en 2001. Plusieurs familles du quartier y ont trouvé de l’emploi de père en fils, et de mère en fille.
L’activité industrielle fait croître rapidement la population. Elle passe, à Saint-Henri, de 6400 habitants en 1881 à 21 000 en 1891 pour atteindre plus de 24 000 en 1905.
On travaille peut-être, mais on travaille à la sueur de son front. Les longues heures de travail se multiplient, les salaires sont peu élevés, les femmes et enfants (insuffisance du revenu familial oblige!), sont aussi appelés à titre de main-d’oeuvre.
Toutefois, déjà à l’époque, face à de telles conditions, des ressources communautaires étaient mises en place. Par exemple, les ouvriers du village créaient une société de secours mutuels, l’une des premières à avoir vu le jour.
La période d’industrialisation laisse aussi place à l’émergence du milieu syndicaliste. De 1871 à 1903, plus de trente grèves sont recensées. Le véritable démarrage du syndicalisme se produit avec l’apparition des Chevaliers du travail en 1882 qui seront principalement actifs dans le Sud-Ouest de Montréal qui possède la plus grande concentration industrielle du Canada.
Les services se développent pour pourvoir aux besoins des familles. Les commerces de tous genres s’installent. L’occupation du sol se complète. La densité humaine s’accroît. Saint-Henri n’est plus du tout un village, mais une véritable ville. C’est à cette époque, la troisième ville la plus peuplée du Canada.
Saint-Henri dispose de transport en commun. Les premiers tramways sont tirés par des chevaux, mais seront rapidement remplacés par l’énergie électrique.
On doit même construire deux casernes de pompier, pour desservir, malgré la petite superficie de la ville, les deux côtés de la voie ferrée.
Un centre-ville s’installe autour de l’église: collège de garçons, couvent de filles, hôtel de ville, bureau de poste, banque et commerces s’établissent à la Place Saint-Henri. C’est encore le centre du quartier, où aujourd’hui se trouve la station de métro.
La petite ville au caractère typique des villes champignons (comme au Far-West) s’organise.
Les notables cherchent un endroit plus agréable pour vivre. Un square ombragé est construit, avec fontaine et statue de Jacques-Cartier en son milieu. On y retrouve notaires et avocats, échevins de la ville, médecins, industriels et hommes d’affaires, artistes, etc…
La fabrique de machines à coudre Williams s’installe à Saint-Henri en 1879.
La compagnie Merchants, devenue la Dominion Textile, s’établit à Saint-Henri 1884.
1905 : annexion à Montréal
Les élus ont beau faire tout leur possible, la dette de la ville s’accroît sans cesse. En 1905, Montréal est en pleine période d’annexion de ses banlieues. Le maire Eugène Guay, élu sous la promesse de construire un deuxième square sur l’emplacement des abattoirs qui avaient été détruits par un incendie, cède à la pression.
Saint-Henri est annexé à Montréal sous deux conditions: effacer la dette de trois millions de dollars et construire le square Sir-Georges-Étienne Cartier.
Jusqu’à la Grande Crise économique des années 1930, Saint-Henri constitue l’un des pôles industriels les plus actifs du Canada, du continent américain et du Commonwealth. Mais la terrible récession frappe aussi chez nous. La moitié des chefs de famille se retrouve au chômage.
La fermeture des vieilles manufactures fait mal. Un regain d’activités durant la deuxième guerre mondiale redonne vie au quartier. Jusqu’aux années 1970, le quartier ouvrier est prospère. Pas riche, mais à l’aise. Si on qualifie les habitants du quartier de pauvres, eux ne le savent pas.
Le développement des technologies et la fermeture définitive du Canal de Lachine sonnent le glas du quartier tel qu’on le connaît à la fin des années 1960.
Square Sir-George-Etienne-Cartier
Les années 1960 : déclin du quartier
.On voit graduellement disparaître des institutions comme la magnifique gare de Saint-Henri. En 1969 et 1970, ce sont les bâtiments institutionnels de la Place Saint-Henri qui sont démolis : l’église datant de 1869, le collège des garçons et le couvent des filles. L’hospice Saint-Henri cédera sa place aussi. L’une des dernières pertes du quartier a été la gare d’autobus, déménagée à Lasalle dans les années 1990.
Mais la revitalisation par la réouverture du Canal de Lachine ramène une nouvelle vocation au quartier: fini les industries poussiéreuses, place au dortoir. Saint-Henri n’est plus le quartier ouvrier. Son emplacement privilégié le favorise encore une fois. Sa proximité du centre-ville, à l’intérieur des ponts, et le relèvement de la qualité de vie attire les employés du centre-ville.
On voit d’anciens bâtiments (comme la Williams ou la Dominion Textile) être rénovés pour accueillir de nouveaux types d’occupations (bureaux, ateliers et condos).
Il reste encore cependant beaucoup de traces du passé. Les rues sont bordées d’habitations typiques de Montréal. Et attirent un nombre grandissant de jeunes couples. La rue Notre-Dame s’est découvert une nouvelle vocation commerciale florissante avec ses nombreux restaurants pour tous les goûts.
Mais pour tout savoir sur l’histoire et le quartier Saint-Henri, venez nous visiter. La SHSH est située en face de la sortie du métro Place Saint-Henri, au-dessus des pompiers, au coeur du quartier. Nous sommes ouverts les mercredis soir entre 19 et 21 heures. Nous y accueillons les visiteurs à nos expositions de photos anciennes, ainsi que les chercheurs. La SHSH dispose de plus de 100 000 photos, documents, cartes, volumes, livres, et recherches sur notre quartier. Notez qu’il est préférable de prendre rendez-vous afin de vous assurer la présence d’un bénévole sur place. Télépjonez au 514-933-1318
Une rue typique d’anciennes habitations de Saint-Henri