Vedettes oubliées
Jack Laviolette: il a formé le premier club des Canadiens de Montréal à Saint-Henri
Par Guy Giasson
Il y a de ces hasards heureux dans la vie comme on en voit peu. La Société historique de Saint-Henri reçoit bon an mal an des centaines de dons de photos de la part de résidents de notre quartier. Nous sommes choyés que l’on nous confie autant de souvenirs et de témoins de notre petite et grande histoire. Nous en profitons pour remercier tous les donateurs qui enrichissent notre magnifique collection de photos anciennes de notre quartier.
Plus tôt cette année, un don de Monsieur Michel Lalonde nous a littéralement fait tomber en bas de notre chaise.
- Lalonde est le petit-fils du célèbre Philippe Lalonde. Ce dernier fut d’abord un champion sportif, puis organisateur de spectacles et enfin député provincial de Saint-Henri pendant plusieurs mandats dans les années 1950 et 1960.
Michel Lalonde a reçu de la part d’une de ses tantes une liasse de documents et de photos sur un dénommé Jack Laviolette.
Le nom vous dit peut-être quelque chose, car ce sportif a notamment été le premier capitaine de l’équipe de hockey les Canadiens de Montréal en 1909.
L’annuaire Lovell de 1908 enregistre qu’à l’adresse du 2705 rue Notre-Dame W., il y a l’hôtel Jacques Laviolette, et que lui-même habite au-dessus au 2709. La photo ci-contre nous confirme la présence du Jack’s Cafe, à cet endroit. On peut facilement localiser cet emplacement au coin des rues Notre-Dame et Côte Saint-Paul, comme le montrent les noms des rues au-dessus des vitrines.
Jack Laviolette lui-même est le premier à gauche sur la photo. L’endroit est donc bel et bien dans le nouveau quartier de Saint-Henri, récemment annexé à Montréal en 1905.
« This is wer… »
Cette photo en soi est fantastique de nous révéler que le célèbre Jack Laviolette a ouvert un commerce dans Saint-Henri. L’annuaire Lovell nous révèle aussi qu’il n’est pas resté longtemps à cette adresse. En effet, dès 1911, il n’y a plus de trace de son hôtel ou de sa présence à cet endroit. On croit qu’un incendie a détruit cet immeuble car le Lovell ne recense qu’aucun bâtiment occupe l’endroit pendant quelques années. Il n’est donc pas surprenant que la rumeur populaire ait oublié ce fait qui a pourtant son importance.
Mais la véritable importance, c’est la mention écrite à la main au bas de cette photo.
Quand on déchiffre attentivement, on peut parfaitement lire, comme sur l’agrandissement ci-contre :
« This is wer I made the first
canadian hockey club »
Pour comprendre cette phrase avec justesse, il faut se référer aux livres d’histoire du club de hockey des Canadiens de Montréal.
La création des Canadiens de Montréal
C’est le 4 décembre 1909 que fut décidé de créer une équipe de hockey formée de joueurs canadiens-français. Cette nouvelle équipe se joignait à la nouvelle de ligue de hockey professionnel, la National Hockey Association. Cette ligue voulait former une telle équipe pour faire opposition à l’équipe du National qui n’a pas voulu quitter la Canadian Hockey Association, l’autre ligue professionnelle concurrente.
La franchise est accordée à M. Tommy Hare, un employé de la famille O’Brien. C’est J. Ambrose O’Brien qui a déployé des sommes considérables pour garantir les salaires des premiers joueurs. C’est lui qui confie à Jack Laviolette le rôle de recruter les hommes qui formeraient la première équipe. Il sera nommé gérant (entraîneur), et jouera dans la première équipe comme défenseur en plus d’occuper le poste de capitaine.
En moins d’un mois, Laviolette recrute son équipe. Quelquefois au prix de quelques scandales. Comme le cas de son ami d’enfance Didier Pitre, qu’il a arraché à l’équipe du National de la ligue rivale. Son meilleur coup sera de signer Édouard Charles “Newsy” Lalonde, qui sera le meilleur marqueur de la première année dans toute la ligue.
La première partie des Canadiens se joue le 5 janvier 1910. L’équipe gagne son premier match 7-6 en prolongation. Mais elle finira au dernier rang à la fin de sa première année.
Jack Laviolette, l’un des plus grands athlètes de son époque
Jean-Baptiste Laviolette est né en 1879 à Belleville en Ontario et a grandi à Valleyfield. C’est là qu’il découvre le hockey en patinant sur la glace des écluses surveillées par le père de Didier Pitre.
Il commence sa carrière de joueur amateur en 1902 avant de passer professionnel en 1904 avec l’équipe des Soo Indians de Sault-Sainte-Marie, toujours accompagné de son ami Pitre.
Les deux compères reviennent à Montréal où ils joueront pour le Shamrock. Lors de la fondation de la ligue National Hockey Association à l’hôtel Windsor, Jack Laviolette est sur place. Et c’est lui qui a la charge de former la première équipe des Canadiens.
Jack Laviolette est réputé pour être l’un des patineurs les plus rapides de son époque, et le meilleur à reculons. Mais il n’excelle pas seulement au hockey. On lui connaît aussi du succès au sport de la crosse aux côtés d’autres pionniers du hockey à Montréal: Lalonde, Pitre, Cattarinich entre autres.
Il a aussi été renommé pour être un champion de course à motocyclette et de course automobile dans les années 1910. Il construisait lui-même ses voitures de course. Il a aussi piloté les premiers aéroplanes au-dessus de Montréal.
Malheureusement, un bête accident d’automobile obligea de lui amputer un pied en 1917. Ce qui mit fin à sa carrière sportive.
Au cours de ses années comme joueur et entraîneur des Canadiens, il a participé aux séries éliminatoires quatre fois et gagné la Coupe Stanley une fois en 1915-1916. Il a marqué 49 buts en 169 parties.
Après son accident, son expérience en mécanique automobile lui a permis de travailler comme machiniste à la ville de Montréal. Sa carte syndicale de 1938 ci-contre le démontre bien.
Jack Laviolette a vécu à Saint-Henri sur la rue Laporte jusqu’à son décès en 1960. Deux ans plus tard il a été élu au Temple de la renommée du Hockey, en compagnie de son copain d’enfance Didier Pitre.
Reconnaissons en lui un grand personnage de l’histoire de Saint-Henri et décernons-lui le titre du panthéon des sports de Saint-Henri aux côtés des frères Mantha et d’Hector Décarie.